Le chocolatier Julius Persoone trace son chemin dans l’entreprise familiale.
Le chocolatier Julius Persoone a un jour eu la tâche de capturer la sensualité d’une grand-mère sous la forme d’un chocolat. « Vous vous dites probablement que c’est impossible. Mais mon premier réflexe a été de me demander comment je pourrais faire. J’ai utilisé de la framboise fermentée pour donner l’illusion d’un téton et j’ai réalisé une ganache pour évoquer le profil gustatif du lait maternel. Il ne faut pas se limiter. » En tant que fils de l’un des chocolatiers les plus célèbres de Belgique, Julius laisse sa singularité et son inspiration le guider sur son propre chemin.

En 2023, The Chocolate Line, une chocolaterie avec des boutiques à Anvers et Bruges, a été nommée « Chocolatier flamand de l’année » par Gault&Millau. Le fondateur et propriétaire Dominique Persoone explique sur ses réseaux sociaux que la récompense le laisse sans voix et qu’il s’agit pour lui d’un beau cadeau pour marquer le 30e anniversaire de son établissement. Il ajoute : « La première vague de COVID s’est accompagnée d’une grande incertitude. La quasi-totalité de notre équipe de production a quitté l’entreprise. J’ai donné à mon fils l’opportunité de rassembler une nouvelle équipe en tant que directeur de la production. Deux ans plus tard, il n’y a qu’à constater les résultats incroyables ! »
Ça, c’était la version édulcorée de l’arrivée de Julius Persoone au sein de The Chocolate Line. Le fils de Dominique travaillait en tant que chef au sein de restaurants étoilés en Belgique et raconte que c’est ainsi qu’il est tombé amoureux du chocolat et de la pâtisserie. Cependant, il a trouvé que les gammes proposées étaient très limitées. « C’était toujours avec de la fraise ou du fruit de la passion. Je trouve cela ennuyeux. Je me suis alors dit que je voulais poursuivre dans le chocolat, comme mon père. Mais je veux proposer des choses qui n’ont jamais été faites. Mon père a été précurseur dans ce domaine, mais je voulais aller encore plus loin. Cependant, cette approche était en conflit total avec la vision de l’ancienne équipe de The Chocolate Line. Je voulais améliorer les choses et innover, sans me laisser enfermer dans les vieilles recettes. En l’espace d’un mois, toute l’équipe avait démissionné, sauf une personne. Mon père était furieux, mais cela m’a donné l’occasion d’initier une toute nouvelle façon de penser. J’ai bâti une nouvelle équipe composée de personnes diverses, issues de restaurants étoilés. En pleine pandémie, aucun d’entre eux n’avait de travail et ils se sont tous retrouvés chez The Chocolate Line. J’ai mis en place un processus de réflexion avec eux. À quoi devrait ressembler un chocolat ? Je ne veux pas créer des chocolats que l’on croque sans réfléchir. Mon ambition n’est pas de proposer des chocolats que vous mangeriez au kilo devant la télé. Je ne vois pas nos chocolats accompagner le café. Nous créons un plat à part entière pour susciter des émotions. Je veux proposer des chocolats que les consommateurs pourront couper en deux pour les examiner et les analyser avec curiosité après leur repas. Pour moi, c’est important qu’ils s’intéressent à la façon dont nous avons créé le chocolat. »
Lorsqu’il était jeune, rien ne prédestinait Julius à s’adonner à la passion du chocolat comme son père. À l’âge de dixsept ans, Julius cultivait 250 variétés de tomates dans quatre serres et possédait plus de 1000 graines de tomates chez lui. À cette époque, il était l’un des principaux experts et cultivateurs de tomates en Belgique mais aussi le plus jeune membre d’un club international d’amateurs de tomates, Tater Mater Seeds Europe. Ses membres s’échangent des graines de tomates, certaines si rares que seules cinq personnes au monde en possèdent. Ce passe-temps, qui a peut-être pris un peu trop de place, l’a mis sur le chemin d’agriculteurs locaux.
« Je vivais à Damme, au milieu des exploitations agricoles et au milieu de nulle part. En été, je voyais des caisses de pommes et de fraises se vendre à un prix dérisoire. Je pouvais trouver des ingrédients locaux dont les agriculteurs souhaitaient se débarrasser, car ils ne se vendaient pas. En tant que chef pâtissier, je pensais à notre congélateur rempli de purées d’ananas et de fruits de la passion, et cela me mettait mal à l’aise. Nous avons ici des agriculteurs passionnés qui proposent d’excellents produits à des prix ridicules. Mais, pour les aider, je devais pouvoir utiliser de la purée de fraises en décembre. C’est ainsi que le laboratoire de fermentation est né.
La fermentation permet de se passer de la réfrigération et d’utiliser des produits locaux toute l’année. C’était important pour moi. La philosophie de notre entreprise est le zéro gaspillage. Par exemple, nous mettons les tiges de menthe à fermenter dans une préparation à base de vinaigre et de miso, alors que d’autres auraient tendance à les jeter une fois les feuilles utilisées. Je connais nos fournisseurs ou alors nous cultivons les ingrédients nous-mêmes. Je sais tout le travail, tout l’amour et toute la perfection que cela demande. Il faut respecter tout cela. »
Julius ne cesse d’expérimenter. Par exemple, il utilise les ultrasons sur sa ganache pour décomposer les molécules gustatives et ainsi concentrer les saveurs. Il crée aussi ses propres colorants et ses gelées grâce à la fermentation. « Au cours de la fermentation, les éléments se séparent et le pigment se retrouve au fond. Nous le faisons sécher pour ensuite l’utiliser comme colorant, en le pulvérisant sur nos chocolats. Nous utilisons la partie supérieure liquide pour faire un gel. » La pulpe des agrumes, qui est généralement jetée une fois le jus et le zeste utilisés, leur permet de faire du kosho. « C’est une technique japonaise qui consiste à saler et faire fermenter la chair d’agrumes pour obtenir une pâte parfumée. C’est unique, de la gastronomie pure. C’est comme cela que je veux travailler. »
Une de ces ambitieuses expériences a été de créer un chocolat avec de la salive artificielle, avec l’aide du docteur Thomas Moors, tout spécialement pour les personnes atteintes d’un cancer de la gorge. « Les patients sous chimiothérapie ne produisent plus de salive, ce qui affecte leur sens du goût. La question est cependant de savoir dans quelle mesure. Nous avons élaboré un profil gustatif pour un certain nombre de personnes. Par exemple, j’ai fait goûter de la fraise, de la menthe, du poivron et du basilic à un patient avant la chimiothérapie. Après le traitement, je lui ai à nouveau fait goûter ces saveurs, mais à l’aveugle. Nous avons pu constater que la fraise et la menthe sont deux saveurs que ces malades peinent à reconnaître après la chimiothérapie. Nous avons alors créé un gel de salive artificielle à partir de poudre de salive. C’est comme si vous ingériez votre propre salive. J’ai ensuite réalisé un chocolat à la fraise et à la menthe, avec un gel de salive artificielle. La base du chocolat est le levain et le flocage est composé de spiruline et de charbon actif. J’ajoute enfin quelques pointes de fraises lyophilisées. Pour moi, la globalité de la création doit être parfaite : le charbon actif et la spiruline sont bons pour l’estomac et la santé, tandis que les acides contenus dans le chocolat stimulent la production de salive. Les effets de ce chocolat sur les patients atteints d’un cancer de la gorge sont incroyables. Certaines personnes qui avaient perdu le goût ont éclaté en sanglots parce qu’elles arrivaient à distinguer les saveurs. Ce type d’émotions est ma source de motivation et je suis convaincu que cette approche est révolutionnaire. Lorsque je dis en interview que je veux être le meilleur au monde, je veux surtout dire que je souhaite inspirer les gens du monde entier en faisant preuve d’innovation. Il ne s’agit pas que de chocolats. Votre imagination est votre seule limite. »
Julius Persoone has a completely unique way of thinking. He translates fashion, art and media into chocolate form and refuses to be limited by anything or anyone. He has perfected the chocolate with the flavour of freshly mown grass – a brainchild of his father – and engaged in an exclusive collaboration with the MoMu Fashion Institute in 2023, assembling a box of chocolates that express the vision of a number of leading Belgian fashion designers such as Walter Van Beirendonck, Dries Van Noten and Raf Simons. ‘People were queuing up when those boxes went on sale: within half an hour we’d sold five hundred. The signed versions went in numbered boxes for 3,200 euros. This shows that exclusivity can also be achieved through social media – as long as you tell your story the right way or, for example, regularly post “behind the scenes” videos. Customers are becoming increasingly picky, and rightly so, as everything is growing more expensive. So they prefer to buy chocolate that has a good story.’
Le cacao utilisé par The Chocolate Line provient de leur propre plantation au Mexique. Cela permet à Julius et Dominique Persoone de s’assurer que l’éthique est respectée et que les personnes travaillant sur la plantation ne sont pas exploitées. Ils peuvent aussi vérifier qu’aucun pesticide n’est utilisé. Des piments sont également cultivés sur la plantation. En mélangeant l’extrait de piment à de l’eau, ils obtiennent un pesticide naturel qui peut être pulvérisé sur les cacaoyers. Une partie de la plantation, où il est impossible de cultiver du cacao ou des piments, sert de refuge aux animaux domestiques ou de cirque maltraités. Au travers de la fondation The Chocolate Line WE CARE, ces animaux ont à terme la possibilité de retourner à l’état sauvage.
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