Cuisiner avec les produits de la ferme familiale

À la frontière entre les provinces néerlandaises de la Frise et d’Overijssel s’étend le parc national Weerribben-Wieden, la plus grande zone marécageuse du nord-ouest de l’Europe. Wolvega, le fief des frères Jan et Frans Smink, se trouve un peu plus au nord. Le premier est chef étoilé et le deuxième, éleveur de vaches laitières. Tous deux s’efforcent de mener leurs activités en harmonie avec leur lieu de vie unique.

Cuisiner avec les produits de la ferme familiale

Frans Smink, l’éleveur, préfère de loin manger un chawarma plutôt que de se rendre dans le restaurant de son frère Jan. « Une étoile Michelin ? Ça ne me parle pas. Ce n’est vraiment pas pour moi. Je trouve ce qu’il cuisine drôlement bon, mais ce n’est tout simplement pas mon style. » Ces propos font sourire son frère, Jan Smink, qui est propriétaire du restaurant et de l’entreprise de catering Smink, à Wolvega, depuis septembre 2018. « Chacun son truc, pas vrai ? Certaines personnes ne jurent que par une belle pièce de bœuf et quelques pommes de terre sautées. Et pourquoi pas ? Ici, tout le monde est le bienvenu. Vous pouvez venir manger en sabots, en short ou en costume. Tout le monde doit se sentir comme à la maison et nous nous efforçons de traiter tous nos clients de la même façon. Après tout, je suis et je serai toujours “Jan-de-la-ferme”. »

Une exploitation familiale

Le grand-père de Frans et de Jan était éleveur de vaches laitières à Amsterdam, et dans les années 70, ils se sont installés dans la Frise pour démarrer une exploitation agricole. La ferme a été reprise par son fils, puis par son petit-fils Frans. « J’ai touché un peu à tout, mais rien ne me plaisait », raconte Frans. « Par contre, je me sentais toujours bien chez moi. Je m’entendais bien avec mes parents et lorsque j’ai eu 14 ans, j’ai commencé à les aider. Le choix de la ferme a été vite fait ; rester ici était on ne peut plus logique pour moi. »


Les choses ne se sont pas passées de la même manière pour Jan Smink. « J’aimais bien la ferme et j’aidais de temps en temps à traire les vaches, mais ça m’intéressait moins. Le plus chouette, c’était encore de conduire le tracteur ! Lorsque j’ai eu 15 ans, j’ai trouvé mon premier job en dehors de chez moi via l’agence d’intérim du coin et j’ai tout de suite accroché. Je faisais la plonge dans un restaurant de la région, et je me suis vite retrouvé en cuisine pour aider à préparer des entrées, à ma plus grande surprise. J’avais déjà un peu touché à la cuisine à la maison et aidé ma mère à faire de la pâtisserie, mais cette idée de devenir chef n'était pas du tout un rêve de jeunesse. Et pourtant, ce job en cuisine m’a énormément plu. Dès lors, lorsque j’ai dû m’orienter, le choix de l’école de cuisine s’est imposé comme une évidence. »

La cuisine Smink
La cuisine Smink

Ces dernières années, Jan Smink a remporté divers prix nationaux et internationaux, comme le Bocuse d’Or Pays-Bas et le prix culinaire international Le Taittinger. Il a notamment travaillé chez Bilderberg Landgoed à Lauswolt et dans le restaurant trois étoiles De Librije à Zwolle. En 2023, son propre rrestaurant a décroché une première étoile Michelin. « C’est quoi, le style Smink ? J’opte pour des produits locaux, issus du commerce équitable et principalement biologiques. Nous avons notre potager, ainsi que notre forêt comestible, et je travaille beaucoup de produits de la ferme de mon frère. Mais la qualité reste la priorité. Il y a par exemple du pigeon au menu et je ne peux pas en abattre un ici sur un toit. Les meilleurs pigeons proviennent encore et toujours de France. C’est notre priorité : la qualité l'emporte toujours. C’est ça, le style Smink. »

Du colostrum en cuisine
Du colostrum en cuisine

Un produit étonnant que Jan se procure chez son frère, à la ferme, c’est le colostrum de vaches qui viennent de vêler. « Le colostrum est le premier lait d’une vache qui en est au moins à son deuxième vêlage. C’est par hasard qu’il a découvert qu’il pouvait le transformer en cuisine. « J’ai ramené du colostrum chez moi et je me suis lancé dans des expériences. Je l’ai bu cru et je l’ai mis dans mon café. Je l’ai aussi mis dans un sac au four. Le lait des 12 premières heures m’a rendu malade ! Il est si riche en matière grasse et en protéines que seul un veau nouveau-né peut le tolérer. En revanche, je trouve que le colostrum trait entre 12 et 24 heures après le vêlage est un produit intéressant. Et au-delà de 24 heures, il tend déjà plus vers le lait. Je tiens à préciser que je n’utilise que le colostrum dont le veau peut se passer parce que sa mère en produit plus qu’assez. J’estime ma démarche durable, car si je ne m’en sers pas, ce colostrum est perdu parce qu’il ne peut être mélangé au reste du lait. » 


Jan est l’un des premiers chefs néerlandais à cuisiner le colostrum. Il le pasteurise dans un thermoblender et, vu sa haute teneur en protéines, le chef ne doit quasiment pas ajouter de liants, comme des œufs ou de la gélatine, pour en faire une crème. « Nous le préparons sous toutes sortes de formes pour des desserts : crème, glace, peau de lait cuite, meringue, crêpe, etc. Actuellement, entre le plat principal et le dessert, nous servons à tous nos clients un cornet que je réalise d’après une recette de ma mère. Ce cornet est présenté dans une corne de vache et rempli de crème de colostrum, que je turbine avec de la vanille et un soupçon de miel. J’y ajoute du yuzu, du pop-corn, une épice ou du mascarpone, au gré de la saison. »

Une éolienne pour la ferme
Une éolienne pour la ferme

S’il ne tenait qu’à Jan, il collaborerait encore bien plus avec son frère Frans et sa ferme à Wolvega. « Je trouve fantastique que Frans ait le courage de poursuivre l’aventure de cette ferme, où notre père et notre grand-père ont toujours travaillé et qu'elle porte toujours le nom de Smink, malgré l’évolution des mentalités, des lois et des normes parfois vraiment pénibles. Je l’admire de s’y risquer et d’oser continuer à sa manière. » 


Après le départ de son père, Frans a modernisé certaines choses. « Mon père faisait encore tout avec une bêche et une brouette. Après un mois, j’ai acheté une mini-pelle. J’ai aussi fait des travaux dans l’étable et placé une éolienne. Des changements que mon père n’avait pas entrepris, parce que cela coûtait beaucoup d’argent. Mais il faut bien y passer pour avoir une ferme à l’épreuve du temps. » L’éolienne EAZ génère de l’énergie jour et nuit. « Ici, dans la campagne frisonne, une éolienne EAZ ne cesse jamais de tourner. En journée, lorsque les vaches sont au champ, je n’ai pas besoin de beaucoup d’électricité. Le racleur à lisier ne fonctionne pas et il ne faut pas d’approvisionnement en eau. Par contre, lorsque les vaches sont dans l’étable, c’est une autre histoire. Mais grâce à l’éolienne, ce n’est plus un problème. »

Durabilité

Pour ses vaches, Frans privilégie le pâturage. Elles ont passé 1 800 heures au champ en 2023. « Je veille aussi à ménager les oiseaux dans ma gestion des prairies. Je ne fauche jamais certaines parcelles avant le 15 juin et je m’assure de toujours laisser des points d’eau pour les oiseaux des prairies. Je suis aussi attentif à la biodiversité sur les berges. » Par ailleurs, Frans essaie de rendre ses vaches plus résistantes, pour qu’elles vivent plus longtemps et puissent rester davantage à l’extérieur. « C’est pourquoi que je les croise avec d’autres races. En été, elles pâturent. J’ai donc besoin d’un cheptel résistant, pour que mes vaches puissent vivre ici pendant des années. C’est mieux pour les vaches, mais aussi pour moi. »


Jan adore l’idée que le lait des 120 vaches de son frère soit collecté par FrieslandCampina et qu’il se retrouve ainsi dans le beurre et la crème qu’il utilise dans sa cuisine. « Je préférerais prendre aussi toute ma viande chez Frans. C’est génial de savoir que les vaches ont pâturé ici. Dans le boeuf, j’utilise tout : de la tête à la queue. Vous savez, il y a durabilité et durabilité. Aujourd’hui, tout le monde parle de consommer moins de viande et moins de produits laitiers, tout en ne jurant que par le steak et le filet de bœuf argentin, ou encore par le thon ou l’avocat. Nous exportons le plus gros de notre viande néerlandaise, pour importer du bœuf irlandais. N’est-ce pas un peu tordu ? C’est super de vouloir vivre et manger plus durablement, mais nous devons bien réfléchir à la manière dont nous pouvons et voulons atteindre cet objectif. En tant que fils d’éleveur, je prônerai toujours la viande et les produits laitiers. »

 

Découvrez comment Jan utilise les produits Debic dans ses créations.

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